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Protégez-vous contre les mauvais payeurs

06 juillet 2016
Publications

L’auteur tient à remercier l’aide précieuse de Laurence Rousseau-Dumont, stagiaire, dans le cadre de la préparation de cet article.

Chaque copropriétaire a l’obligation légale de contribuer aux charges communes de la copropriété. Toutefois, ce ne sont pas tous les copropriétaires qui paient leurs charges à leur échéance, et cela pénalise la collectivité des copropriétaires.

Face à un mauvais payeur, le syndicat de copropriété doit agir pour percevoir les sommes dues. Lorsque le syndicat intente un recours pour recouvrer la contribution d’un copropriétaire fautif aux charges communes ou à une cotisation spéciale, notamment par le biais d’un recours hypothécaire suite à la publication d’une hypothèque légale, il engage inévitablement des frais d’avocat. Il va de soi que ces frais peuvent atteindre des sommes importantes. Peut-il réclamer du mauvais payeur les frais extrajudiciaires, soit les frais habituellement exigés d’un avocat, qu’il a engagé?

La réponse à cette question se trouve dans la déclaration de copropriété, puisque ce n’est qu’en présence d’une clause claire à cet effet que le syndicat pourra obtenir le remboursement des frais extrajudiciaires encourus.

Les tribunaux québécois reconnaissent, en effet, la validité des clauses prévoyant le remboursement des honoraires et des débours extrajudiciaires par le copropriétaire en défaut.

Récemment, un copropriétaire plaidait qu’il n’avait pas à acquitter les frais d’avocat réclamés par le syndicat malgré la clause claire à ce sujet, puisque l’article 2762 du Code civil du Québec prévoit que le créancier qui a donné un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire ne peut exiger du débiteur une indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés, en excluant expressément les honoraires extrajudiciaires.(1) Toutefois, les tribunaux considèrent que l’intention du législateur derrière l’adoption de cet article n’était certainement pas de faire assumer par une collectivité de copropriétaires les honoraires extrajudiciaires encourus pour récupérer ce qui lui est dû. Il ne faut pas oublier que le syndicat a pour objet la conservation de l’immeuble, l’entretien et l’administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d’intérêt commun.(2) La finalité de la publication par le syndicat d’une hypothèque légale sur la fraction du copropriétaire en défaut est de voir à la réalisation de son objet. Par ailleurs, contrairement au prêteur hypothécaire, le syndicat n’a pas le loisir de choisir ses débiteurs. Cela fait en sorte que le syndicat de copropriété n’est pas perçu comme un créancier traditionnel. Ajoutons, que cette décision de la Cour du Québec s’appuie sur un jugement de la Cour Supérieure rendu par l’Honorable Juge Jean-François De Granpré dans l’affaire Syndicat des copropriétaires du Elgin c. Al-Shawa.(3)

Précisons, cependant, que les tribunaux conservent leur pouvoir de contrôle judiciaire et peuvent apprécier le caractère raisonnable des frais d’avocat réclamés par le syndicat, qui doivent être cohérents avec la valeur du litige. Effectivement, une telle clause ne lui donne pas le droit d’engager des frais extrajudiciaires non justifiés. Dans une situation semblable, les tribunaux n’hésiteront pas à exercer leur pouvoir discrétionnaire pour les réduire.

En l’absence d’une clause permettant le recouvrement des frais extrajudiciaires dans la déclaration de copropriété, ce n’est qu’en cas d’abus procédural de la part du copropriétaire fautif qu’il est possible d’avoir gain de cause. Il y a abus procédural lorsque, par exemple, une partie de mauvaise foi multiplie les procédures ou poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire. (4) La preuve d’un véritable abus de procédure est difficile à rapporter.

À la lumière de ce qui précède, nous nous permettons d’insister sur l’importance pour une collectivité de copropriétaires de s’assurer que leur déclaration de copropriété prévoie une clause claire et précise permettant de réclamer à un copropriétaire en défaut les frais extrajudiciaires. Dans un cas contraire, il est possible de modifier la déclaration de copropriété par un amendement en respectant la procédure légale, et ainsi protéger les copropriétaires contre le paiement des frais extrajudiciaires encourus par la faute des mauvais payeurs.

À bon payeur, salut.

Note 1: Syndicat de la copropriété du Domaine Béliveau c. Noël, 2016 QCQC 844
Note 2: Article 1039 du Code civil du Québec
Note3: Syndicat des copropriétaires du Elgin c. Al-Shawa, 2009 QCCCS 5700
Note 4: Syndicat des copropriétaires Les Jardins du Golf, phase IV, c. Villeneuve, 2006 QCCS 3925

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