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L’employeur poursuivi par la commission des normes du travail peut faire valoir une réclamation contre l’employé dans cette même instance

16 juillet 2014
Publications

Un recours facile pour l’employé

La Loi sur les normes du travail offre aux salariés un recours accessible et gratuit pour se faire payer par leur employeur les sommes qui leur sont dues en vertu d’un contrat de travail ou suite à sa terminaison. La Commission des normes du travail («CNT») se constitue partie demanderesse devant la Cour et prend entièrement à sa charge les frais d’enquête et les frais d’avocat, de sorte qu’il n’en coûte rien au salarié pour faire valoir ses droits. La Loi accorde de plus à la CNT le droit de percevoir pour elle-même, de l’employeur, une indemnité correspondant à 20% de la somme réclamée pour l’employé.

La difficulté pour l’employeur de présenter une demande reconventionnelle

En défense à la procédure entreprise par la CNT, l’employeur peut faire valoir tous les moyens légaux dont il dispose contre le salarié pour faire rejeter la demande, par exemple que le salarié n’a pas fourni les heures de travail qu’il réclame, qu’il a déjà pris les vacances pour lesquelles il réclame une indemnité, etc. Cependant, la tendance traditionnelle en jurisprudence se montre très exigeante envers l’employeur qui présente une défense de compensation. Ainsi, lorsque l’employeur veut faire valoir, à l’encontre de la poursuite de la CNT, qu’une somme lui est due par le salarié et qu’il peut la déduire de la réclamation faite par la CNT, les tribunaux exigent, dans les rares occasions où ils permettent la défense de compensation, que la créance de l’employeur soit certaine, liquide et exigible et qu’elle découle de la même source, c'est-à-dire du contrat d’emploi lui-même et non pas d’une source connexe. Lorsque la créance de l’employeur dépasse celle de la CNT, les tribunaux n’admettent généralement pas qu’une demande reconventionnelle soit présentée pour que l’employeur puisse réclamer l’excédent de sa créance sur celle de l’employé. Cela implique qu’un recours distinct doive être entrepris, ce qui a évidemment pour effet de faire gonfler les frais pour l’employeur, sans parler des délais additionnels.

L’affaire Commission des normes du travail c. Compagnie d’assurance Standard Life du Canada

Un jugement rendu le 29 mai 2014 par l’Honorable Jean-F. Keable de la Cour du Québec s’inscrit contre ce courant traditionnel de jurisprudence en permettant à l’employeur de formuler une demande reconventionnelle contre un salarié dans le cadre du recours entrepris par la CNT en recouvrement d’une indemnité de vacances impayée. Dans cette affaire, la salariée avait pris un congé de maladie et présenté une demande de prestation d’invalidité de courte durée. Dans l’attente de la décision sur la demande de prestation d’invalidité, l’employeur avait convenu par écrit avec l’employée de lui verser des avances de salaire. L’employée s’engageait à les lui rembourser en cas de rejet de sa demande de prestation d’invalidité, laquelle a été effectivement rejetée, mais seulement après que l’employeur eut versé à l’employée une somme de 6 281,71$ à titre d’avance de salaire. Apprenant ce refus de payer la prestation d’invalidité, la salariée ne se présente plus au travail et l’employeur l’informe qu’il considère que l’employée a démissionné. L’employée ne rembourse pas bien sûr l’avance de 6 281,71$ payée par l’employeur.

Le recours de la CNT et la demande reconventionnelle de l’employeur

La salariée s’adresse alors à la CNT qui entreprend une poursuite contre l’employeur pour recouvrer une indemnité de 2 301,09$ pour des vacances gagnées et non payées, en plus de l’indemnité de 20% pour elle-même prévue par la Loi. L’employeur formule à l’encontre de cette action une demande reconventionnelle contre la salariée en réclamant le paiement de la différence entre le montant de l’avance et l’indemnité de vacances que l’employeur reconnaît par ailleurs devoir payer. Simple et logique dites-vous? Mais non : la CNT présente une requête préliminaire en rejet de la demande reconventionnelle de l’employeur, invoquant à son soutien le courant de jurisprudence qui n’admet pas la défense de compensation, et encore bien moins la demande reconventionnelle. Le juge Keable rejette cette requête en déclarant que de suivre la jurisprudence traditionnelle dans ce cas-ci forcerait l’employeur à entreprendre une nouvelle poursuite distincte contre la salariée, ce qui ne servirait pas les fins de la Justice et ne respecterait pas la règle de la proportionnalité qui doit exister entre la complexité de la procédure et les sommes en litige.

On doit saluer une telle approche de la part des tribunaux qui favorise un accès abordable à la Justice pour les petits employeurs, qui eux ne bénéficient pas de la gratuité dont les salariés jouissent auprès de la CNT.

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